« Y a-t-il une différence entre la méditation dite « classique » et la pleine conscience ? Si oui, quelle est-elle? » Cette question, posée par un membre de mon groupe Facebook revient régulièrement et j’aimerais tenter d’y apporter une réponse pour l’ensemble de mes lecteurs.

L’expression « pleine conscience » – traduite de l’anglais « Mindfulness » – est devenue populaire grâce au fabuleux travail du professeur de médecine Jon Kabat-Zinn (JKZ) qui, à la fin des années 70, a mis au point un protocole médical de gestion du stress BASÉ SUR la Mindfulness : le MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction).

Ce protocole médical a été étudié des milliers de fois dans différents contextes scientifiques et c’est ce dont une partie de l’Occident avait besoin pour, si j’ose dire, redonner du crédit aux approches millénaires sur lesquelles JKZ s’est appuyé pour mettre son protocole au point : la méditation, le yoga, le zen et les arts martiaux, qu’il pratiquait en tant que jeune chercheur.

Un protocole basé sur des pratiques attentionnelles

Dans un contexte universitaire et médical, JKZ a expurgé tous les aspects traditionnels, religieux voire dogmatiques de ces approches traditionnelles pour n’en garder que les « pratiques attentionnelles » pures, adjointes aux connaissances scientifiques modernes en physiologie, en psychologie puis en neurosciences. Il a élaboré un protocole « laïque » de 8 semaines, tout à fait adapté à un certain public occidental et, en particulier, au public médical ; aussi bien du côté soignants que soignés. Cet aspect médical et laïque du protocole MBSR a, dans un contexte occidental post-moderne, matérialiste et cartésien, ouvert des portes que les pratiques traditionnelles n’avaient pas pu franchir : il a permis d’apporter une validation scientifique à ce que des millions de pratiquants savaient depuis des siècles.

Le MBSR continue de faire l’objet d’environ 300 études scientifiques chaque année et il a donné naissance à plusieurs protocoles à visée thérapeutique qui s’inspirent également des « pratiques attentionnelles » :

  • MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy) – thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression
  • MBCP (Mindfulness-Based Childbirth and Parenting) : il s’agit d’une intervention basée sur la pleine conscience, visant à préparer les futurs parents à la grossesse, l’accouchement et la parentalité.
  • MB-EAT (Mindfulness-based eating awareness training) : intervention basée sur la pleine conscience dans le cas de désordres alimentaires.
  • MBRP (Mindfulness-Based Relapse Prevention) : intervention basée sur la pleine conscience, visant la prévention de la rechute dans les troubles liés à l’abus de substances.
  • MBDBT (Mindfulness-Based Dialectical Behavior Therapy) : intervention basée sur la pleine conscience s’adressant aux personnes souffrant d’un trouble borderline.

Grâce ou à cause de ce succès de l’approche scientifique, beaucoup CONFONDENT aujourd’hui la « pleine conscience » avec JKZ en posant l’équation (« pleine conscience » = Mindfulness = JKZ = MBSR) donc (pleine conscience = MBSR). Ce qui est FAUX : le protocole de JKZ est certes BASÉ sur la pleine conscience, mais il ne représente pas à lui seul TOUS les aspects de la pleine conscience.  C’est juste un merveilleux assemblage d’ingrédients. Pour faire une analogie, la tarte aux fraises est certes basée sur la pâte sablée mais avec une pâte sablée on pâtisse bien plus qu’une simple tarte aux fraises, aussi succulente soit-elle. JKZ a créé une belle recette, mais il n’a créé ni les fraises, ni la crème pâtissière, ni la pâte sablée.  Il a plutôt eu l’intelligence de créer une recette « allégée » qui fonctionne à merveille.

Le terme « Mindfulness » a été très mal traduit en français

Comme le succès de la recette nous est venu d’outre-atlantique, ajoutons également le fait que le terme « Mindfulness » a improprement été traduit en français par l’expression « pleine conscience », devenue courante dans l’esprit du public à cause de ses nombreuses mentions dans les médias. Mais il aurait sans doute été plus approprié de traduire ce terme anglais par l’expression « pleine attention » voire « pleine présence », comme le proposent, à juste titre, certains auteurs et pratiquants.
En effet, autant il est concevable d’être pleinement attentif ou présent à quelque chose, autant l’idée d’être « pleinement conscient » pose un certain nombre de questions philosophiques, psychologiques, neurologiques sur la nature même de la conscience : qu’est-ce que la conscience? Personne ne peut précisément le dire aujourd’hui même si beaucoup ont leur petite idée.

Mindfulness chinoisPar ailleurs, il est intéressant de savoir que la maitre zen fondateur du village des pruniers, Thich Nhat Hanh écrit que « le mot sanskrit pour pleine conscience, smriti, signifie  » se souvenir « . La pleine conscience, c’est se souvenir de revenir au moment présent ». Selon le moine bouddhiste Matthieu Ricard, le mot pali comprend différentes dimensions dont « samma -sati », qui veut dire à la fois « présence attentive », certes, mais qui doit inclure, pour être qualifiée de « saine présence », une dimension éthique d’altruisme et de compassion. Enfin, en chinois mandarin, l’idéogramme représentant la mindfulness ou pleine conscience est composé de 2 parties: en haut le « ici et maintenant » et, en bas, le « coeur – esprit ». La pratique consisterait donc à ramener son coeur et son esprit dans le moment présent, à chaque instant… On le voit, d’une langue à l’autre, on n’a pas fini d’en débattre. 😉

La Mindfulness  ou « Pleine Conscience » c’est plus que l’assise méditative

Sous la bannière « Mindfulness » ou « pleine conscience » peuvent se retrouver toutes les pratiques que j’appelle « d’attention vigilante » qui existent dans de nombreuses traditions millénaires. Dans mon expérience, ces pratiques attentionnelles existent dans les chamanismes toltèque et celtique, dans plusieurs formes de méditation d’origines orientales, bouddhistes ou zen, dans plusieurs yogas, dans les Tai Chi Chuan, les Qi Qong, certains arts martiaux traditionnels, etc. La liste n’est pas exhaustive. Tout cela sans parler du fait qu’on retrouve aussi ces pratiques dans l’hindouisme, l’islam, la chrétienté tout autant que dans les philosophies grecques anciennes ou européennes modernes (voir cet article: définition mindfulness).

Impossible donc de savoir ce que l’on entend par « méditation classique » sans faire référence à l’une ou l’autre des traditions et sans faire appel à l’imaginaire collectif occidental. À ce sujet la définition de la méditation donnée par Wikipédia dit : « pratique mentale ou spirituelle qui consiste souvent en une attention portée sur un certain objet de pensée (méditer un principe philosophique par exemple, dans le but d’en approfondir le sens) ou sur soi (dans le but de pratique méditative afin de réaliser son identité spirituelle). La méditation implique généralement que le pratiquant amène son attention de façon centripète sur un seul point de référence ».

Cette définition, bien que dualiste, est un début de piste intéressant. Je partage en même temps ce point de vue qui dit que les pratiques attentionnelles peuvent s’appliquer à toutes les situations de la vie courante, à tous les contextes sans exception et, par exemple : à l’assise méditative, à la marche consciente, à la vaisselle, à la douche, dans une conversation, en mangeant, en faisant du sport, en pratiquant un instrument, en s’habillant, en faisant l’amour y compris même pendant le sommeil avec les pratiques trop peu connues du rêve lucide. Méditer devient ainsi une pratique « non-duelle », un style de vie.

Saviez-vous que l’étymologie – le sens authentique – du mot méditer est dérivé du latin « medeor » qui signifie traiter, guérir, soigner? En dérivent des mots comme remède et médecine. Méditer et médecine ont donc, dans notre langue, une racine commune. Intéressant non?

Quoiqu’il en soit, il me semble utile de résumer ce que proposent toutes les formes de méditation : méditer c’est s’exercer à être attentif en soi à ce qui est présent ici et maintenant, sans jugement. Et cela vaut aussi bien pour les pratiques de méditation traditionnelles que pour toutes les pratiques attentionnelles, mentionnées plus haut, et qui peuvent être rangées sous la bannière « pleine conscience ». Autrement dit, pour reprendre la métaphore de la pâtisserie, les recettes (disciplines) à base d’ingrédients de « pleine conscience », c’est-à-dire de pratiques attentionnelles, sont bien plus nombreuses que le seul outil du MBSR ; sans que cela diminue en rien la qualité de cet outil. 

En conclusion

Le mystère c’est que, en pratiquant cette forme d’attention à l’instant qu’on étiquette « méditation » et dont on (re)découvre les nombreux bienfaits en Occident, on remédie au manque de quelque chose, on soigne ses blessures, comme si on (re)devenait plus complet, moins séparé avec soi-même, plus entier.
Que l’on soit ouvert à une approche traditionnelle ou moderne, cette expérience du soin apporté à soi-même, voire de la complétude – à laquelle beaucoup aspirent en venant à « la méditation » – est un des bienfaits concrets de la pratique.
Une pratique simple d’attention équanime, basée sur une vision du monde non-duelle… Qu’en pensez-vous?

En tout cas, moi, j’en redemande chaque jour. Pas vous?

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Jean-Marc Terrel
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