Avez-vous vu le film documentaire scientifique « Vers un monde altruiste »? Il explore une piste scientifique – aussi passionnante que porteuse d’espoirs – sous le regard des réalisateurs Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade avec, entre autres, la star des neurosciences Richard Davidson et le moine bouddhiste Matthieu Ricard qui depuis longtemps se sont invités dans le débat public avec un slogan plus révolutionnaire qu’il n’y paraît : « changez votre cerveau, changez le monde! »

L’altruisme et la nature humaine.

La question de base est simple: et si, contrairement à l’affirmation du philosophe Hobbes qui affirme que « l’homme est un loup pour l’homme », l’altruisme était un élément essentiel de la nature humaine? Des voix scientifiques s’élèvent depuis une vingtaine d’années pour décrire une autre vision de la nature humaine reposant sur l’empathie, l’entraide et la collaboration – l’altruisme en bref – qui montre que les principes de la sélection naturelle n’impliquent pas que nous soyons des loups les uns pour les autres. Au contraire. Et c’est ce que montre « Vers un monde altruiste« .
On y voit des chercheurs en psychologie, primatologie, mathématiques ou neurosciences y mener des expériences novatrices qui contredisent la thèse de l’égoïsme naturel et inventent le vocabulaire d’une autre histoire: l’altruisme et la coopération en sont les maîtres mots. Des États-Unis au Népal en passant par l’Allemagne, les réalisateurs de « Vers un monde altruiste » sont allés à leur rencontre pour esquisser, sur la base de leurs découvertes, des solutions nouvelles aux maux de la planète et à l’opposé du pessimisme ambiant.

Entre expériences scientifiques et innovation sociale, entretiens et observation, le documentaire montre que la coopération, si elle a été oubliée par les héritiers de Darwin, constitue dans l’évolution un élément au moins aussi important que la compétition. Et c’est le pari des chercheurs qui s’expriment dans le film: si, à l’heure où la survie de l’humanité en dépend probablement, l’altruisme existe, peut-on et doit-on le cultiver consciemment?
« Vers un monde altruiste » commence en pointant le fait, que contrairement à ce que l’on imagine le plus souvent, lors de catastrophes, les êtres humains se révèlent bien plus coopératifs qu’on ne l’entend: c’est ce que soulignent les études du Centre de recherche sur les catastrophes de l’université du Delaware. Par exemple, lors de l’ouragan Katrina à la Nouvelle Orléans, les scènes de pillages sont restées bien plus marginales que celles d’entraide. Pour Tricia Wachtendorf, “les gens ne basculent pas tout à coup dans des comportements antisociaux,après un désastre, il y a beaucoup plus de comportements d’entraide que de comportements antisociaux”. Les gestes spontanés visant à aider des inconnus sont plus nombreux qu’on ne le pense, alors qu’on a longtemps pensé que l’altruisme n’existait pas.

L’altruisme aurait des bases biologiques

Les travaux du psychologue Daniel Batson, montrent que nous sommes capables de nous préoccuper de l’intérêt des autres avant notre propre intérêt, ce qui est la définition de l’altruisme. Le souci empathique, le souci de l’autre, serait ainsi à l’origine de notre altruisme. Pour Emma Sepalla, directrice du Centre de recherche et d’éducation sur la compassion et l’altruisme de Stanford, l’empathie serait notre capacité innée à ressentir ce que d’autres ressentent. De son côté, Tania Singer dirige le département des neurosciences sociales à l’Institut Max Planck de Leipzig. Pour l’une comme pour l’autre l’enjeu est donc de comprendre comment comprendre les autres.
Leurs recherches montrent que la douleur ou la joie des autres activent les mêmes zones dans le cerveau de celui qui voit la douleur ou la joie chez un autre. L’empathie aurait donc des bases neurobiologiques, ce qui expliquerait nos réactions collectives lors d’évènements de groupe, comme les matchs de football ou les projections cinématographiques. Souffrir ou voir souffrir serait donc presque la même chose pour notre cerveau: “nos cerveaux seraient apparemment câblés pour entrer en résonance avec autrui. Pour Nicholas Christakis cela expliquerait pourquoi non seulement nous ressentons des émotions, mais aussi pourquoi nous les montrons: afin que l’autre les comprenne et, surtout, qu’il les imite.

Vers un monde altruiste

Reste à savoir comment nous apprenons à identifier les émotions des autres? D’après les expériences menées auprès de très jeunes enfants par l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutionnaire de Leipzig, le BabyLab du département de psychologie d’Harvard ou le Centre de cognition enfantine de Yale. Cette, notre capacité à identifier les émotions serait bien moins acquise que ce nous pensons généralement. En réalité, notre capacité à aider spontanément et avec désintérêt, démarrerait bien plus tôt qu’on ne l’imaginait jusqu’alors: à Yale, Paul Bloom et Karen Wynn ont cherché à savoir si les bébés faisaient la différence entre le bien et le mal et ils ont montré que les bébés font preuve de jugement moral en préférant des peluches qui se comportent bien à celles qui se comportent mal!
« 4 bébés sur 5 choisissent la peluche qu’ils ont vu bien se comporter, quelque soient les circonstances », explique Paul Bloom. Et leurs expériences montrent même que c’est une préférence morale plus que sociale. “Si je vois une personne mal se comporter je ne veux pas seulement l’éviter, je pense également qu’il devrait être puni”, explique Paul Bloom, en montrant que la compréhension morale des bébés serait liée à des notions d’équité et de justice. Les bébés auraient donc une compréhension morale rudimentaire: “nous naissons tous avec une capacité à distinguer le bien du mal”, affirme le chercheur.
Si le sens de la justice et l’attirance vers le bon sont innés chez les êtres humains, les chercheurs du Max Planck Institute et du Centre Yerkes ont aussi montré que c’était le cas chez nos cousins les primates. Les chimpanzés savent aider aussi spontanément que nous, sans récompense et ils font même preuve d’empathie les uns avec les autres en s’adaptant aux émotions de leurs congénères et en se souciant d’eux.

Si l’altruisme est dans nos gènes, pourquoi ne sommes-nous plus coopératifs?

Les réalisateurs du documentaire « Vers un monde altruiste » soulignent que les comportements altruistes se seraient donc forgés tout au long de notre évolution. “L’histoire de l’évolution est plus compliquée que la compétition” souligne le mathématicien et biologiste Martin Nowak, qui étudie la dynamique de l’évolution à Harvard. Il estime en effet que la coopération et l’entraide sont instinctives et que la sélection naturelle les a favorisées. Pour Frans de Waal du Centre Yerkes, “si nous ne coopérions pas, nous ne serions plus là”.

Si la coopération est plus efficace que la compétition, alors pourquoi ne triomphe-t-elle pas toujours? Si les bébé naissent avec un sens moral, pourquoi ne le conservons-nous pas? L’explication viendrait du fait, expliquent Paul Bloom et Karen Wynn, que nous préférons ceux qui nous ressemblent, ceux qui partagent nos goûts. Les bébés préfèrent ainsi les peluches qui « aiment » les mêmes céréales qu’eux. Des distinctions peu importantes s’avèrent alors compter beaucoup, explique Bloom: des distinctions aussi subtiles que l’équipe de foot que l’on supporte ou la couleur du tee-shirt que l’on porte peuvent amener à diviser le monde entre les gens comme moi et les gens comme les autres.
Et cela va encore plus loin: les bébés ont ainsi tendance à préférer la peluche qui n’aide pas celle qui n’aime pas leurs céréales à celle qui se comporte bien. Et les bébés « aiment » celui qui se conduit mal avec l’individu qui n’a pas les mêmes goûts qu’eux. Pour Bloom, cette distinction entre ceux dont nous nous soucions et les autres est au coeur des limites du développement social. “C’est un trait fondamental de la nature humaine” affirme-t-il.

La neuroscientifique Tania Singer montre d’ailleurs que la réaction empathique ne s’exprimerait pas dans le cas de personnes dont nous ne nous soucions pas ou que nous jugeons comme n’ayant pas les mêmes goûts que nous. Par exemple, quand celui que nous n’aimons pas – par exemple parce qu’il ne soutient pas le même club de foot que nous – reçoit un choc électrique, ce n’est pas la zone de la douleur qui est activé chez celui qui observe, mais celle de la récompense! La résonance empathique a disparu. Pourtant, selon Michael Norton, professeur de marketing à la Harvard Business School, l’altruisme et la générosité nous rendent heureux. D’ailleurs, pour le célèbre spécialiste des réseaux sociaux, Nicholas Christakis, les gestes d’entraides seraient aussi contagieux qu’un virus. Pour Emma Sepalla, si nous nous retenons d’aider c’est parce que nous pensons trop souvent que la norme est plutôt celle de l’égoïsme.

Ces expériences montrent que la notion d’altruisme consiste à comprendre comment élargir notre cercle moral, comment dépasser les limites que nous construisons entre ceux qui nous ressemblent et les autres? Dans le documentaire « Vers un monde altruiste », pour comprendre comment dépasser les limites que nous fixons à l’altruisme, les réalisateurs se sont tournés vers le moine bouddhiste Matthieu Ricard, spécialiste de la méditation. Celle-ci serait la voie royale pour la transformation individuelle et le développement de nos capacités d’empathie.

La méditation développerait l’altruisme

Selon Matthieu Ricard, la pratique de la méditation permettrait en effet de développer nos capacités d’empathie, de coopération et d’altruisme. C’est le Dalaï Lama, himself, qui aurait invité le neuroscientifique Richard Davidson à s’intéresser à la bonté, à la bienveillance… et à la méditation. Cette dernière permettrait de réguler les zones du cerveau liées à l’attention et aux émotions. Pour Davidson, enthousiaste, deux semaines de pratiques de la méditation, 30 minutes par jour, suffiraient à modifier la structure du cerveau. Des expérimentations ont donc été initiées par son laboratoire avec des écoles maternelles de Madison. On y a testé des techniques méditatives dans l’espoir de développer des capacités de coopération et d’expression de la gratitude. L’enjeu pour Davidson est de transposer les résultats scientifiques dans le monde réel pour avoir un véritable impact. Enseigner des pratiques de gentillesse à des âges où le cerveau est particulièrement plastique pourrait faire une différence durable dans le temps, estime le chercheur. Et, en effet, ce programme a porté ses fruits. Il a permis de diminuer les conflits et d’augmenter les comportements généreux. Au bout de 12 semaines de pratique, les enfants ne partageaient plus seulement avec leur meilleur ami, mais avec l’ensemble de leurs camarades: le cercle de ceux qui leur ressemble s’était élargit. Le programme a alors été étendu à d’autres écoles de Madison.

Pour Richardson, nous devrions pratiquer des exercices mentaux pour cultiver l’attention et la bienveillance de la même façon que nous pratiquons de l’exercice physique aujourd’hui. Dans l’un des pires quartiers de Baltimore, la Holistic Life Foundation, adepte de la méditation, tente, via ces méthodes, de résoudre les conflits en intervenant dans les écoles avec des programmes de yoga et de méditation. Il s’agit de proposer 15 minutes de méditation au début et à la fin de la journée, pour aider les enfants à réguler leurs émotions, à faire barrage à ce qu’ils vivent dans le quartier, à trouver un espace de paix en eux. Selon une étude réalisée sur ce programme, les chercheurs ont constaté une amélioration de l’attention, du contrôle des émotions négatives, du travail scolaire et une réduction des conflits.

Notons aussi que trop d’empathie pourrait tuer l’empathie et conduire au fameux « burn-out ». Cela pourrait ainsi être mentalement ravageur et mener à l’épuisement émotionnel. La méditation permettrait de mieux se connecter aux autres, sans tomber dans cet excès d’empathie qui absorbe la détresse de l’autre. Elle pourrait aussi, comme le montre les traditions ancestrales, favoriser la compassion. A Berlin et Leipzig, Tania Singer a lancé un vaste programme d’entraînement mental auprès de quelque 200 volontaires qui se sont engagés à méditer chaque jour 30 minutes pendant 9 mois.
Le documentaire « Vers un monde altruiste », nous montre ainsi le cas d’Irina, infirmière dans le département hospitalier des grands prématurés de Berlin, qui a réussi à réguler ses excès d’empathie via ce programme. Pour Tania Singer, l’enjeu est de comprendre si la méditation permet de réduire le stress, d’apprendre à mieux gérer les émotions négatives et d’améliorer les compétences sociales comme la compassion, la coopération et les comportements altruistes.

Un documentaire passionnant que je vous invite à visionner ci-dessous:

 

 

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